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La rencontre de Tchang
C'etait réellement du travail à la petite semaine.Je ne considérais même pas cela comme un véritable travail,mais comme un jeu,comme une farce.Tenez,Le petit vingtième paraissait le mercredi  dans la soirée,et il m'arrivait parfois de ne pas savoir encore le mercredi matin comment j'allais tirer Tintin du mauvais pas ou je l'avais méchamment fourré la semaine précédente.(entretiens avec Hergé,p 36)
Tout cela change avec  le lotus bleu,premier des albums de Tintin  qu'Hergé assume véritablement.Que s'était-il donc passé qui puisse motiver une si brusque transformation? Avant tout une rencontre,la plus décisive sans doute qu'ait jamais faite Hergé.
En deux mots,voici comment les choses s'étaient passées.A la fin des cigares du pharaon,Hergé avait annoncé dans le petit vingtième que Tintin allait bientôt poursuivre son voyage vers l'Extreme-Orient.Dans les semaines qui suivirent,il reçut une lettre d'un certain abbé Gosset,aumônier des étudiants chinois à l'université de Louvain,qui le conjurait de prendre garde à ce qu'il dirait de la chine et lui recommander de se documenter.
Se documenter,Hergé ne demandait pas mieux.Et l'abbé Gosset le mit donc en relation avec un jeune chinois du nom de Tchang Tchong-jen qui était étudiant à l'académie des beaux-arts de Bruxelles.Les deux hommes sympathisèrent immédiatement et eurent ensemble de longues conversations sur la Chine ou tous les sujets se trouvèrent abordés:l'histoire et la géographie bien sûr,mais l'art,la langue,la littérature,et la philosophie.Tchang donna même à Hergé des informations assez précises sur la technique de la peinture traditionnelle chinoise,indications dont le dessinateur allait tirer grand parti.                               

Le choc ressenti par Hergé fut immense.Comme la plupart des Européens de l'époque,il vivait encore sur un mythe du jaune extrêmement éloigné de la réalité.Et soudain,il se trouvait mis en contact avec une civilisation d'une incomparable richesse.Hergé lui-même expliqua parfaitement la prise de conscience qui s'ensuivit:
C'est au moment du lotus bleu que j'ai découvert un monde nouveau.Pour moi jusqu'alors,la Chine était,en effet,peuplée de vagues humanités aux yeux bridés,de gens très cruels qui mangeaient des nids d'hirondelle,portaient une natte et jetaient les petits enfants dans les rivières….
J'avais  été impressionné par des images et des récits de la guerre des boxers,ou l'accent était toujours mis sur les cruautés des jaunes,et cela m'avait fortement marqué.
 

Plus question,désormais,de se contenter pour la prochaine aventure de Tintin de l'imagerie stéréotypée des romans populaires.Mieux:il s'agissait maintenant de combattre cette mythologie et de présenter au lecteur une image aussi fidèle que possible de la réalité chinoise.Donc,poursuit Hergé,je découvrais une civilisation que j'ignorais complètement et,en même temps,je prenais conscience d'une espèce e responsabilité.C'est à partir de ce moment-là que je me suis mis à rechercher de la documentation,à m'intéresser vraiment aux gens et aux pays vers lesquels j'envoyais Tintin,par souci d'honnêteté vis-à-vis de ceux qui me lisaient.

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